Le bout du tunnel

Le bout du tunnel

Découvert en 1980 à l’occasion de la construction du gymnase Joliot-Curie, le tunnel du camp de Drancy nous raconte une histoire pleine d’espoir : celle d’hommes qui n’avaient pas renoncé.

ovembre 1943. Il ne reste que quelques mètres. Dans une semaine à peine, l’une des équipes finira par voir le jour. Le vrai jour. Celui qui est de l’autre côté des barbelés, celui qui ne s’écrase pas sur les miradors.

Depuis déjà plus de deux mois, environ soixante-dix personnes creusent un tunnel sous le camp de Drancy. Ce sont des détenus de toutes origines. Nombre d’entre-eux ne se font d’ailleurs aucune illusion, ils partiront dans l’un des tout prochains trains, avant même que le tunnel n’ait atteint sa destination : l’abri anti-aérien situé à l’extérieur, là où aujourd’hui se dresse le monument. Mais quoi qu’il en coûte, ces efforts valaient la peine. Il ne s’agissait pas en effet de préparer l’évasion de quelques personnes. L’idée folle était de vider le camp de tous ses détenus. Et c’est peut-être le visage d’un Alois Brunner, depuis peu commandant, furieux à la vue de son camp déserté, qui donnait encore un peu plus de courage à ceux qui, dans un tunnel de 1,20 m de haut et 60 cm de large, peinaient pour avancer d’à peine un mètre par jour.
L’entrée du tunnel était située dans la cave de l’escalier 22 (actuellement n°1, cité de la Muette), juste à proximité du bureau du commandant juif, le Colonel Blum, qui ne signala jamais qu’un drôle de manège était à l’œuvre sous ses pieds.
Il fallait cependant étayer la galerie, afin d’éviter tout éboulement. On se sert alors des bois de lit, derrière lesquels sont glissées des planches. Mais le travail devient très vite pénible : il faut évacuer la terre dégagée, en rampant à quatre pattes dans un tunnel où peu à peu l’air devient irrespirable. Il faudra être alors particulièrement inventif pour franchir tous ces obstacles.
Mais comment imaginer les efforts de ces hommes qui durant deux mois s’approchèrent, centimètre par centimètre, de la liberté. Le cinéma a bien tenté de raconter des histoires similaires, mais le septième art est-il capable de retranscrire de tels sentiments ? « Il est difficile de décrire en quelques lignes ou d’imaginer les efforts qu’il a fallu déployer et les précautions qu’il a fallu prendre, précisait André Ullmo, l’un des instigateurs du projet d’évasion. (…) Quant à l’impatience des travailleurs, elle nous causait des soucis. Il était difficile de leur faire admettre qu’ils n’avaient pas le droit de percer en surface aussitôt après le passage des barbelés.  »
Nous sommes donc le 8 novembre 1943 et la belle histoire touche à sa fin. Trois officiers SS descendent dans les caves et découvrent le tunnel. Les guetteurs avaient bien eu le temps de prévenir leurs compagnons, qui purent ainsi sortir du tunnel et en dissimuler l’entrée, mais les officiers savaient ce qu’ils étaient venu chercher. À l’intérieur, ils découvriront un pantalon portant un numéro de matricule. Son propriétaire sera torturé pour qu’il livre les noms des détenus impliqués dans cette tentative d’évasion.

Par la suite, ce fut le temps des représailles. Le convoi n°62 du 20 novembre 1943 emporta vers Auschwitz bon nombre de détenus. Le colonel Blum en faisait partie.
Il semble bien qu’il n’y ait eu aucune trahison. L’imprudence serait venue d’un ancien prisonnier du camp qui, transféré à Compiègne, aurait évoqué l’existence de ce tunnel à ses camarades. Mais dans le lot, il y avait un mouchard…

Laisser un commentaire