Du Vel d’Hiv au camp de Drancy

Du Vel d’Hiv au camp de Drancy

La rafle du Vel d’Hiv inaugure la « solution finale », destinée à éradiquer le peuple juif. Pour la première fois, femmes et enfants seront emmenés en masse. Raflée le 16 juillet 1942, Anette Vainstein se souvient.

a police française a pour ordre de ramener les trente mille personnes fichées, quoi qu’il arrive. Pourtant, certains agents missionés préviennent des familles. De son côté, le réseau de Résistance fait tout pour alerter ceux qui risquent la déportation. Lors de la rafle, certains parviennent à se caher, d’autres mettent fin à leur vie.

D’après les archives des nazis, 3031 femmes, 5802 hommes et 4051 enfants sont arrêtés. 4992 d’entre-eux sont internés au camp de Drancy, les autres enfermés dans le Vélodrome d’hiver.

« Le 16 juillet 1942, j’avais onze ans. Des inspecteurs sont venus nous chercher à la maison. Ils ont laissé ma mère. Elle ne figurait pas sur leur fiche. Mon père, mon frère et moi avons été emmenés dans un garade désaffecté dans le XVIIIème arrondissement parisien. Des autobus sont venus nous chercher pour nous transporter au Vélodrome d’hiver. Je me souviens de gens qui marchaient. Beaucoup étaient malades. Il n’y avait pas de toilettes, c’était horrible. On était comme des agneaux qu’on mène à l’abattoir. On ne disait rien. Après six jours, nous avons été transférés au camp de Pithiviers. Dès l’entrée, hommes d’un côté, femmes et enfants de l’autre étaient séparés. On m’a laissé avec mon père et mon frère car, mes cheveux rasés, on ne voyait pas forcément que j’étais une fille. Nous dormions par terre sur la paille. Mon père m’a dit qu’un gendarme pouvait nous libérer moyennant 25000 francs. Il n’avait pas la somme… Le pire a été la séparation des mères et des enfants. Puis ils ont réunis tous ceux de mon âge. On nous a demandé si nous avions des bijoux ou de l’argent, et ensuite fouillé.
Le jour-même, comme 4000 autres enfants venus de différents endroits, je partais pour Drancy. Dans le wagon à bestiaux, j’avais une gamelle de pommes de terre à l’eau. On ne se rendait pas compte. Personne ne parlait. »

L’arrivée à Drancy

« Au bas du bâtiment situé à droite du wagon témoin actuel, nouvelle fouille en prévision d’une déportation imminente. Dans les chambres, nous étions sur des paillasses, et changions de chambre à chaque départ vers l’inconnu. Celle du bord du bâtiment, au premier étage, était celle du départ. La journée, on marchait, on tournait en rond dans la cour. Café le matin, et deux fois par jour un bol de soupe aux choux nous étaient distribués. Un jour, j’ai été placée dans la dernière chambre avec d’autres enfants en vue d’un départ le lendemain. Alors, je me suis assise dans les escaliers. Je pleurais. A une femme venue me voir, j’ai répondu que je devais partir là-bas – c’est comme ça qu’on appelait l’endroit où l’on allait – que je voulais attendre mon père et mon frère restés à Pithiviers pour y aller. Elle m’a mise dans une chambre en arrière, décalant ainsi mon départ. Tous les enfants qui étaient avec moi sont partis. J’ai utilisé ce stratagème par deux fois. La troisième, ça n’a pas marché. Une femme m’a dit « ils te rejoindront là-bas! » Alors, je me suis retrouvée dans l’ultime chambre. Entre temps, mon père et mon frère sont arrivés. Automatiquement, ils ont été placés dans une chambrée beaucoup plus en amont. Je me suis cachée avec eux. C’est ce qui m’a sauvée. Pendant ce temps, ma mère arguait auprès des autorités occupantes que nous étions russes. L’Allemagne n’étant pas en guerre avec la Russie, un ordre de libération nous attendait ».

Une semaine plus tard, la famille Vainstein réussira à échapper à une nouvelle rafle. Le répis sera de courte durée. La mère sera arrêtée par hasard dans un restaurant juif et déportée depuis Drancy le 30 juin 1944. Il aura fallu attendre l’année 2001 pour qu’à bientôt 70 ans, Annette Vainstein, devenue Madame Landauer, trouve la force de revenir sur les lieux de mémoire. Elle s’est tout d’abord rendue rue Nélaton à Paris, où se trouvait le Vélodrome, puis a assisté à la cérémonie commémorative au camp de Drancy le 22 juillet.

« Le Vélodrome, il n’en reste plus rien. Aujourd’hui, c’est juste un mémorial. A Drancy par contre, ça fait drôle, j’avais toujours dit que je ne voulais pas y aller. Pas pour moi, mais parce que ma mère y a été internée.
L’image du camp de Drancy ancrée dans ma mémoire, c’est celle d’une femme. Alors qu’elle portait son enfant dans les bras, on les a séparés. Elle n’avait pas de semelles aux chaussures, et du haut de mes onze ans, je me demandais comment elle pouvait marcher ainsi. Elle a été déportée avant son fils. J’ai vu le petit abandonné, il ne réalisait pas qu’une fois sa mère partie, il ne la reverrait plus. »

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